On me demande souvent comment j’ai fait pour survivre avec mon handicape et quand, en général, je leur réponds que j’ai rampé jusqu’à Crimson city en revêtant la peau d’un zombie que j’ai tué à main nu et dépecé avec une petite cuillère pour me fondre dans la hordes de cadavre affamés et me faire passer pour l’un d’entre eux, personne ne me croit. Normal. Il faut dire que ce n’est pas l’exacte vérité. Et puis, sincèrement, comment un anglais pourrait survivre aussi longtemps sans thé ?...Bref, trêve de plaisanterie. Je suis donc venu à cette conclusion : jamais je n’ai répondu sérieusement à cette question. Par mes pitreries, j’ai toujours tenté d’éviter d’aborder mon passé. Pourquoi ? Moi-même, je ne sais pas. Pas qu’il y ait quoique ce soit de dramatique ou qui me fasse honte dans mon histoire, bien au contraire. Je suppose que ça doit être par timidité. Néanmoins, je me demande : ne ferais-je pas mieux de me confier ? Alors en vous voyant je me suis dit que c’était peut-être le moment…Oui vous là, avec un verre dans le nez. Rond comme vous êtes je suis sûre que vous écouterez paisiblement mon histoire – il faut dire que vu votre état actuel, vous auriez bien du mal à placer un mot… Bref. Je…je me lance alors ?
Je n’arborerais pas mon enfance, à quoi bon ? A part dire que j'ai toujours été gâté – il faut dire qu'on est pas pauvre dans la famille – et que j'ai reçu une éducation bien anglaise et même religieuse, je ne vois pas ce qu'il pourrait y avoir de pertinent dans le récit de mes jeunes années. C'est donc pour cela que nous passerons sous silence ce passage de ma vie pour directement commencer par le plus intéressant – mais aussi le plus horrible du point de vue de mes parents : l'adolescence.
Moi qui avait été un véritable ange durant mon enfance, j'étais devenu en grandissant une peste, une crapule, bref, une tête à claque. Au lycée, j'étais le genre de gamin qui pavanait dans les couloirs parce qu'il avait un peu plus d'argent que le commun des mortels et qui, entre deux intercours, allait bizuter – et pas de la façon la plus agréable – ceux que l'on désignait comme « les freaks » de la classe. Champion de l'équipe de polo, mais mauvais élève, j'étais le parfait cliché de la brute écervelé. N'aillons pas peur des mots, je dirais même que j'étais un petit con prétentieux.
Ça m'a pris du temps pour m'en rendre compte. A vrai dire, ça m'a surtout pris beaucoup de rendez-vous chez le principal, de bagarres mais aussi de gifles gracieusement données par ma mère – dieu ait son âme, elle dû me reconnecter quelques neurones défaillants en faisant cela. A la fin de mes études générales, j'ai donc fait un grand mea-culpa : j'étais un nouvel homme -ou du moins jeune homme. J'avais réussi à gommer mes plus gros défauts, excepté peut-être mon amour pour la fête et l'alcool...
Bref, j'avais 21 ans, j'étais devenu un grand garçon et j'avais même réussi – bon certes, en trichant un peu – à rejoindre une bonne fac de droit. Tout en assistant sagement aux cours dispensés dans un grand amphithéâtre, je pouvais aussi me targuer de continuer à pratiquer un sport – chance que la plupart de mes camarades de classe ne possédaient pas. Oui, le polo. On est un cliché britannique sur pattes ou on ne l'est pas. Je participais, entre-autre, à d'autres activités équestres telles que le saut d'obstacle et le cross. Je faisais des concours, c'est vous dire ! En tout cas, que ce soit en droit ou au centre hippique, j'étais entouré de fille (ahahaha). Autant vous dire que la nuit, je ne dormais pas souvent seul. Enfin bref.
J'ai passé ma première année avec sucés et on a fêté ça dignement. Mes parents étaient enfin fiers -mais surtout soulagés de ne plus avoir affaire à un merdeux pourri gâté. Cette année là, j'ai aussi rompu avec une fille que je pensais pourtant épouser, il faut croire que quand le grand manitou vous accorde quelque chose, il vous met tout de suite un coup de pied aux fesses pour vous rappeler que vous n'êtes pas parfait et loin d'être toujours fidèle.
Crap. C'était bien fait pour moi.
Malgré tout, j'étais le plus heureux des hommes. Je ne m'en rendais peut-être pas toujours compte, mais j'avais une belle vie, de l'argent, des amis, je pratiquais un sports qui me plaisait et je poursuivais des études que me motivaient et qui m'intéressaient. J'aurais aimé que cela continue. Mais non, le karma a voulu venger tout ceux que j'avais martyrisé au lycée et la fille que j'avais trompé. Enfin, je mets ça sur le dos du karma, mais c'est moi qui ai fait l'idiot, encore. Il faut toujours que je fasse l'idiot. Bref... Je vais vous expliquer comment j'ai foutu ma vie en l'air à tout juste 23 ans :
Avec les gens du haras, on venait tout juste de gagner un la demi-final d'un concours national de cross. On était donc sélectionner pour la finale qui allait se passer à Londres et peut-être même avoir une chance pour certains d'entre nous de participer aux JO. Bref, c'était le rêve et il fallait que l'on fête ça, forcément. J'avais donc ramené de la cave de mon père quelques bonnes bouteilles qu'on est en suite aller boire dans le manège parce qu'il pleuvait des cordes et qu'on ne serait jamais rentré à huit dans un box -surtout qu'on se serait fait virer par le propriétaire si on avait fait peur aux chevaux. On a donc beaucoup rit, il faut dire qu'on était très euphoriques, mais aussi vraiment saouls. Sur ce, j'ai commencé à déclarer que c'était moi qui serait sélectionné pour représenter notre belle Angleterre aux jeux olympiques. Une de mes amies – que je n'ai pas revu après cela, il faut dire qu'elle devait se sentir coupable – m'a tout de suite rétorqué que non, sur le ton de la plaisanterie et qu'elle serait l'heureuse élue. J'ai voulu lui prouver le contraire, même si tout le monde me déconseillait de le faire – mais ne me retenaient pas pour autant. On est donc sorti du manège pour aller chercher un cheval. Je l'ai préparé, mais ivre comme j'étais, j'ai pas du bien serrer la selle ou une bêtise du genre qui ne serait jamais arrivée si j'avais été sobre ce soir là ou juste un peu plus prudent. Je suis monté en selle, décidé à lui prouver que même avec plus d'alcool dans les veines que de sang je pouvais être meilleur qu'elle, même s'il faisait un temps dégueulasse.
Bien sûr. Les autres étaient pliés de rire. J'ai lancé le cheval au galop. Le premier obstacle s'est bien passé. C'est le deuxième qui a posé problème. Alors que le cheval s'élançait, j'ai senti que la selle commençait doucement à glisser sur son dos. J'ai voulu l'arrêter, mais bien entendu il n'y avait plus grand chose à faire. Quand il a sauté, la selle est tombée et moi avec. Mon dos a rencontré une des barres et ma tête l'autre. Autant vu dire que vu le choc, je n'ai pas trop eut le temps de me rendre compte de quoique ce soit, j'ai directement perdu connaissance.
* * *
« Papa ? »
Je voyais mon père un peu flou, l'air grave, assis au fond de sa chaise. En m'entends, il me sauta tout de suite au coup, ce qui me surprit. Imaginez un peu mon désarroi : pour moi, il y a quelques secondes, je faisait une chute à cheval et soudainement j'étais dans un endroit tout autre, j'arrivais à peine à voir et j'avais un sacré mal de crâne.
« Qu'est-ce qui se passe ? Je suis où là ?... »
« Tu es à l’hôpital. Tu as passé trois jour dans le comas. »
« Quoi ? »
« En tombant tu t'es cogné la tête. »
Ah oui. J'avais fait une chute, ça me revenait.
« Où est maman ? »
« Elle parle avec le médecin. Ça va ? Pas trop mal ? »
« Si...C'est la plus terrible des gueule de bois de ma vie. »
J'essayais de faire de l'humour, mais je sentais bien que quelque chose n'allait pas. Mon père n'avait même pas rit.
On ouvrit la porte et un homme en blouse blanche entra, suivit de ma mère qui sanglotait. Je crois que c'est à ce moment là que je me suis dit « Sherlock, t'es mal. ».
« ça va , on se réveil doucement ? »
Le Dr. Steward était une sorte de réplique grandeur nature de Ken. Grand, blond, sympathique, un sourire trop blanc et philanthrope, j'avais envie de lui mettre un coup de pied dans les tibias.
J'acquiesçais doucement avant de faire la grimace. Dès que je bougeais la tête, j'avais l'impression qu'un demi-tonne lui tombait dessus.
« Bien. Bon, tu as eu un bon choc crânien, alors fait attention à ne pas trop remuer, d'accord ? »
« Hum. »
« Mais il y a autre chose. »
« Je vous écoute. »
J'étais anxieux, et le redoublement des les sanglots de ma mère ne me rassura guère plus.
« Tu ne pourras plus jamais faire d'équitation. »
J'étais certes triste mais si ce n'était que ça, je pouvais bien m'en remettre.
« Tu as perdu l'usage de tes jambes. »
« Quoi ? »
* * *
Je suis gentil, je vous épargne le passage où je m'enfonce une fourchette dans la cuisse pour vérifier les dires du docteur, affolant au passage les infirmières et ma mère. Bon, trêve de plaisanterie, je ne vous cache pas que j'ai fait une petite dépression après cela. Rien de bien étonnant vous me direz -enfin non, vous ne dîtes rien, vous être affalé sur la bar à moitié endormi. Mais parce que la vie continue et qu'il faut bien se relever – enfin...hum...- je me suis battu. Tout d'abord pour devenir indépendant. Les premiers temps, je ne pouvais rien faire seul, même pas m'habiller et encore moins me laver. J'étais une sorte de gros bébé, si on veut. Puis j'ai appris à faire tout moi-même, doucement, mais j'ai réussi. Dans un second temps, j'ai réussi à dépasser le regard des autre et ce non sans insulter une dame oppressante, bien que charmante, qui voulait à tout prix m'aider à porter mes courses. Enfin, j'ai pris ma vie en main. J'ai quitté le Devonshire. Et oui, je ne pouvais pas continuer de vivre au crochet de papa et maman et puis, il y avait de plutôt bonnes écoles en Amérique ! Deux ans après la chute qui m'avait coûté ma passion et mes jambes, je partais pour un autre continent.
Par contre, je tiens à préciser qu'il y a bien une chose dont je ne me remettrais jamais ô grand jamais...Disons que j'ai perdu plus que la capacité de marcher. Je n'aurais certainement pas de descendance...Bon je vois que ça ne vous intéresse pas, passons ce détail alors.
Je me suis donc établis à Chicaco dans une belle maison – parce que oui, j'en ai les moyens – et je me suis inscrit à l'université Northwestern. Mon accent anglais fit bonne impression, me permettant de me constituer un bon cercle d'ami. Bref, j'étais parfaitement intégré à la vie en société, malgré mon handicape. A 25 ans, j'étais un jeune homme épanoui, célibataire, libre comme le vent, heureux quoi. Mais un retour de bâton n'allait pas tarder à arriver et me frapper en pleine figure.
New-York fut la première ville à sombrer. Ils étaient des centaines, des milliers, une horde. Ils gagnaient du terrain. Chicago fut vite touchée. J'étais mort de trouille.
* * *
Personne n'était venu m'aider. Personne n'était venu me chercher. Cela faisait déjà deux semaines que j’étais seul chez moi, à l'abri, certes, mais seul et bientôt à court de nourriture. Je n'avais plus de nouvelle de personne, ni de mes parents, ni de mes amis. Je ne savais pas qui était en vie ou qui avait été tué dans ce massacre. Pour vous dire, la perspective du suicide commençait déjà à trotter dans ma tête. Je ne m'attendais plus à grand chose si ce n'était à mourir, car je savais que les murs ne les retiendraient pas éternellement.
Mais c'est dans ce moment de désespoir que peut survenir l’inattendu, le merveilleux. Alors que j'étais en pleine sieste, j'entendis du bruit en bas. Je cru tout d'abord à une invasion, que j'étais cuit, mort, enterré. Mais je ne voulais pas me rendre sans me battre. J'étais donc descendu à la cuisine, armé d'un fusil de chasse, prêt à tirer sur ces salopiauds quand je reconnus des figures humaines, se goinfrant non pas de chaire humaine mais de céréales, de pain et de tartines. Des humains. Je n'étais plus seul.
« Heum...Hey ! La nourriture est bonne j’espère ?»
Après avoir manqué de s'étouffer sous le coup de la surprise, ceux qui allaient devenir mes nouveaux compagnons d'apocalypse se présentèrent.
Il y avait Jonathan, le leader autoproclamé, Mia, sa femme, Harry et Morgan, deux types plutôt sympathiques, ainsi que Lise, une * jolie * petite française qui passait les plus mauvaises vacances de sa vie. Je leur proposai de rester ici le temps qu'ils se reposent et trouvent un plan pour quitter la ville, en échange de quoi ils m'aideraient et m’emmèneraient avec eux au moment de quitter ce trou infernal. Bien entendu, ils acceptèrent ma proposition.
Nous passâmes environ trois semaines tranquilles et même plutôt agréables à tirer sur des zombis du haut du toit, regarder des DVD et parler du bon vieux temps. Encore une fois, c'était trop beau pour durer.
En plein milieu de la nuit, des cris se firent entendre. Harry vint me chercher. Ils avaient réussi à entrer. Comment ? On l'a jamais su. Quoiqu'il en soit, ils avaient eu Mia, il ne fallait pas traîner. Une fois dehors, Harry eut la bonté de me poser sur mon fauteuil roulant – électrique je vous pris- et nous courûmes le plus vite possible. Par chance, on finit par trouver un endroit ou se mettre à l'abri et Morgan, Lise et Jonathan nous rejoignirent.
« On est fichu, jamais on tiendra ! »
Jonathan, pourtant si sûr de lui jusque là, craquait littéralement. En même temps, il venait de perdre sa femme...
« Faut pas qu'on reste ici... Demain on dégage.»
La nuit fut courte et tout le monde resta silencieux. Le lendemain, on se leva de bonne heure. Tout le monde été prêt. Harry me posa sur mon fauteuil et là...
Hum...Excusez moi ? Bon, je sais que vous n'êtes pas dans un très bon état, mais vous pourriez au moins faire semblant de suivre ! Allez, on se réveille. Non mais je vous jure... Bref où en étais-je ?...Il me posa sur le fauteuil. Jonathan ouvrit la porte, doucement, avant de jeter un coup d’œil à l'extérieur.
« La voie est libre. »
Tout le monde sortit, sauf moi. A ma plus grande surprise, mon siège à roulette ne daignait avancer.
« Attendez, ça ne veut pas avancer ! »
Il me regardèrent, légèrement perplexes. Je sentais la hâte dans leurs yeux, l'envie de partir loin d'ici et ce au plus vite.
« ça va remarcher, laissez moi juste quelques secondes... »
Je m’acharnais sur l'outil de commande, en vain. Il ne répondait pas. J'étais bloqué.
« Je crois qu'il va falloir me porter! »
« Tu vas nous ralentir. »
« Pardon ? »
« On va devoir te laisser, désolé mec. »
« Y a pas de mec qui tienne. Je parts avec vous. Vous me l'avez promis. »
« Lise, donne lui un peu de bouffe. »
« Hey, tu m'écoutes ? »
Non. Il ne m'écoutait pas. Il ne m'écouta pas. Personne. Il partirent tous, me laissant derrière. J'étais livré à moi, incapable de me déplacé, perdu au milieu d'une ville avec comme seule nourriture un paquet de chips. Chouette.
En deux jours seulement j'étais à l'agonie, prisonnier de cette petite pièce, affamé et assoiffé. J'entendais les grognements à l’extérieur, menaçant. Mes chances de survie étaient bien faibles et le plus terrifiant dans tout cela était que je m'en rendais compte. J'étais face à un terrible choix : me laisser mourir de faim ou me faire dévorer vivant. Dans tous les cas, la certitude de la mort me donnait la nausée et le tournis. Incapable de me déplacer, fatigué et au bout du rouleau, je tombai inconscient. S'il devait arriver quoique ce soit, autant que je ne m'en rende pas compte.
Je me réveillais, confus. Je n'étais donc pas mort ? Bonne nouvelle - hélas j'étais un peu trop dans le cirage pour m'en réjouir. Je regardais autour de moi : rien. Il faisait noir. Soudainement, une voix se fit entendre me tirant totalement de ma torpeur et me faisant faire un bon prodigieux – bon...j'avoue, j'ai aussi crié comme une fillette à ce moment là, mais CHUT.
« Janette, je crois qu'il s'est réveillé ! »
Un rayon de lumière m'aveugla. Quelqu'un venait de tirer le rideau qui me séparait de... de l'avant d'une voiture ? J'entendis un rire féminin.
« La bonne musique ramène les morts à la vie ! Très cher inconnu, remerciez donc ce merveilleux groupe qu'est Kansas ! »
L'une des demoiselles me jeta ce qui semblait être un CD. Je n'y prêtais pas trop attention.
« Je préférerais de l'eau... »
« Et bah, c'est qu'il perd pas le Nord ! »
J'évitais de justesse la gourde qu'elle venait de lancer, ça aurait été bête d'être assommé de nouveau. Je m'en saisissais puis, d'une traite, en vidais le contenu. Dieu que ça faisait un bien fou ! Elles me tendirent ensuite un peu de nourriture que je m'empressai de dévorer.
Janette et Louise était un jeune couple marié, deux demoiselles très sympathiques à qui je devais la vie – mais aussi ces quelques moments délicieux où je pouvais assister à leurs embrassade
ahahhaha. Enfin bon. Elles m'expliquèrent comment elles m'avaient trouvé, affalé dans ce qu'elles appelaient un placard, après une partie de « qui en bute le plus » et me firent part de cet étrange message que leur radio avait capté. Nous roulions donc en direction de cette mystérieuse Crimson City. Ma foi, même si nous ne trouvions pas cette ville, le voyage promettait d'être intéressant.
Exactement un mois plus tard, nous trouvâmes cette oasis inespérée, fiers comme le roi Arthur l'aurait été s'il avait déniché le saint Graal. Elle m’escortèrent jusqu'à l’hôpital où on me donna gracieusement un fauteuil roulant – il était tant !- et où on m'hébergea le temps que je trouve un logement.
Et voilà. C'est pour cela que je suis ici, assis à ce bar, vous racontant mon histoire...Non..Attendez...Vous rigolez ? Ne me dîtes pas que vous vous êtes endormi ?! Oh seigneur !
Sale ivrogne que vous êtes.