L'air était lourd, comme solide, et il avait du mal à respirer. Il ne voyait rien, la pièce était plongée dans le noir, il arrivait à peine à discerner le corps encore tiède contre lui. Il put encore reconnaître une once de mouvement quand il jeta le pistolet qu'il tenait dans sa main tremblante le plus loin possible de lui. Sentant que le malaise qui l'enveloppait risquait de le faire pleurer, John ferma les yeux...
Si ses souvenirs étaient bons, il se souvenait avoir vécu à Boston pendant la majeure partie de sa vie. Issu d'une mère venant d'Angleterre et d'un père venant du Pays-de-Galles, il y était né et était le petit dernier de la famille. Son frère Ian de 3 ans plus vieux que lui, fut aussi son meilleur ami à cette époque. Puis vint le jour où, quand John avait 17 ans, ses parents divorcèrent et leur père les emmena tous deux à New York avec lui. L'adolescence, c'était quoi? Jouer les durs, les crises, ne pas dire ce qu'on voudrait dire, tout ça? John n'était pas sûr.
S'il y a une chose dont il se souvenait bien, c'était ce que son père lui avait dit un jour en nettoyant la voiture avec lui:
« Dans la vie, il n'y a que deux certitudes: payer les impôts et crever. » A cet âge là, son père buvait avec excès. Il était toujours désespérément mécontent alors buvait, ou alors était désespérément mécontent parce qu'il buvait. Sa mère refusait de les voir et refaisait sa vie avec un autre homme. C'était à cet âge là que quelque chose en lui a du se casser net. Il était là, avec certes un frère aimant mais souvent absent à cause de l’atmosphère à l'appart' où ils vivaient à présent, avec deux parents en vie, mais pas aimants. Et, franchement, si cela devait être comme ça, John préférait se dire qu'il n'avait même pas de parents.
C'est à 18 ans qu'il commença à s' « automutiler » comme on le dit si bien. À tort, on pense que l’automutilation se limite à se taillader les veines; mais l'automutilation ne se résume pas à cela. Parfois on peut s'arracher des cheveux, boire de l'alcool avec excès, prendre des drogues durs, se brûler avec un briquet, etc. John faisait un peu de tout cela. Il ne savait pas s'il s'agissait d'une dépression ou peu importe quoi d'autre, mais tout cela le faisait se sentir en vie, capable de fonctionner, de se sentir en contrôle de lui-même et calme. Il le cachait bien à son frère et à son père.
Dans des cas comme le sien, ça prenait un bon bout de temps de peine de cœur et une sensation grandissante d'isolement avant d'enfin comprendre que les parents que l'on croyait connaître jusqu'alors n'existaient plus. Pour lui, ils n'étaient rien de plus qu'un souvenir d'enfance qui s’effaçait petit à petit.
Ensuite vint cette maladie. Cette fameuse maladie qui fit sombrer New York à une vitesse fulgurante. Leur père fut l'un des premiers touché.
Ian et John étaient chez eux quand tout arriva. Leur père, d'encore plus mauvaise mine que d'habitude. Il souffrait d'une effroyable fièvre et disait avoir mal partout. Quelques heures après seulement, les types ressemblant à des agents de sécurités déboulèrent dans l'appartement et prirent leur père, qui se tordait de douleur dans le lit à ce point, sans plus de cérémonie. L'on donna aux deux frères quelques brèves explications tout de même, impliquant qu'il fallait partir d'ici le plus vite possible, rejoindre un groupe le lendemain qui allait partir pour
Crimson City qui était une ville apparemment
sans danger. Mais quel danger? On dit que tout serait expliqué une fois la
chose réglée. John ne compris pas plus que son frère et il y eut beaucoup de cris de soir-là, sur s'il fallait obéir aux hommes qui venaient de littéralement de kidnapper leur père ou rester là pour voir ce que leur réservait le sort. Pour finir, ils firent leurs bagages le matin et se joignirent au groupe de personnes tout aussi déboussolées qu'eux qui allait se mettre ne route pour cette fameuse ville. C'était rassurant de savoir qu'ils n'étaient pas les seuls dans ce pétrin.
Enfin arrivés, ils furent logés et on leur donna des armes qu'ils eurent le loisir de choisir. On leur expliqua le problème; un virus avait commencé à se rependre partout en Amérique et Crimson City était à peu près la seule ville encore en état d'accueillir des survivants. C'était difficile à croire mais ils réalisèrent qu'ils avaient eut une incroyable veine de s'en sortir vivant; à ce moment même, leur ville était sûrement déjà infestée avec ceux qui n'avaient pas eu la chance de partir abandonnés à leur triste sort.
Ils n'entendirent plus parler de leur père, et John failli se dire que c'était tant mieux.
Enfin vint le jour où, rentrant du boulot alors que John était sorti prendre de l'air, Ian tomba sur un des tiroirs de la petite chambre de John, laissé ouvert pas mégarde. Dedans s'y trouvait cutters, briquets, lames diverses, des désinfectants et des bandages de toutes sorte. Ian fit tout de suite la connexion et cela lui fit l'effet d'une douche froide. Ils avait 22 et 25 ans. Lorsque John rentra, Ian se précipita à la porte.
« Hey bro. Passé une bonne journée? » fut la question de John qui enlevait ses chaussures.
« Tu peux m'expliquer les trucs dans ta chambre ? » John baissa immédiatement les yeux en sachant tout de suite de quoi il parlait. Il ne dit rien et afficha une mine renfrognée, contrit et gêné. C'était toujours comme ça, Ian devait souvent faire face au mutisme de son petit frère quand il voulait échapper à ce genre de discussion. Mais il ne laisserait pas passer cette fois-ci.
« CA T'ARRACHERAIS LA GUEULE DE ME RÉPONDRE POUR UNE FOIS?! »Il avait hurlé, à bout de nerfs, ayant attrapé son cadet par les épaules. John eut un sursaut et se mit à trembler comme un petit enfant. Il ouvrit la bouche mais rien ne sortit. Aussitôt l'expression du visage de son frère s'adoucirent et Ian se mit à regretter ce qu'il venait de rire. Il l'attira contre lui et le serra doucement, comme si John était fait de verre et qu'il avait peur de le briser.
« Pardon. Je savais pas. »John promis de ne plus recommencer. Ils continuèrent de vivre une vie normale, enfin si la vie à Crimson City pouvait être qualifiée de normale. Devoir tuer un infecté qui voulait les attaquer était de coutume. Ils se multipliaient et on disait qu'il commençait à sérieusement proliférer dans certains coins de la ville.
Cependant, au bout de deux années, John se remit à se tailler les avant-bras. Il ne savait pas ce qui l'avait poussé à recommencer, ce qu'avait été le déclencheur pour le faire retomber, briser la promesse qu'il avait faite à Ian. Mais passons.
Un soir, rentré plus tard que d'habitude, son frère tituba dans l'entrée, les yeux gorgés de sang et transpirant de fièvre. John, après ces longues années passées à être répété et répété d'immédiatement agir lorsque des symptômes comme ceux-ci se présentaient, se saisit de son pistolet et recula de son frère, sans vraiment se rendre encore compte de la situation. Ce n'est que lorsque son frère leva un regard animal sur lui qu'il se réfugia à l'étage, malheureusement trop lent pour lui échapper. Ils se débattirent et John lui hurlait qu'il n'était pas trop tard, qu'il pouvait encore être sauvé, qu'il fallait résister. Ses mots tombaient sur des oreilles sourdes et il eut de la peine à se défaire de lui; finalement, il roula quelques mètres plus loin et parvint à se relever. Il pointa son arme vers son assaillant, il tenait
son propre frère en joue. La seule personne qui avait jamais compté pour lui. Il remarqua qu'il avait été mordu à la gorge, assez fort pour permettre à quelques minces filets de sang de couler. Assez pour le contaminer.
« Bro. Tu sais que je le ferai. T'approches pas. » Je n'aurai pas le courage de tirer. Ne me fait pas ça.Malheureusement pour lui, son frère, à présent presque méconnaissable tellement le virus s'était répandu en lui, fondit sur lui. Ce n'est que par reflex et reflex pur que John appuya sur la gâchette.
Le sang gicla, le corps de son frère s'abattit sur lui.
Et voilà on nous en étions. Les autorités rapidement alarmées par un coup de feu dans un quartier supposé sain firent irruption dans la petit maison et nous nous passerons des détails. On injecta à John l'antidote et on emporta le corps de son frère. Comme ça. Laissant John paumé au milieu de chez lui avec une couverture sur ses épaules ainsi qu'une équipe de trois personnes qui se chargerait des formalités ainsi que de lui donner les informations dont il avait besoin pour sa contamination.
Il était laissé seul au monde, avait tué son propre frère par accident, était infecté et avait brisé sa promesse faite, sûrement la seule chose que son frère aurait aimé qu'il arrête, pour lui au moins.
À cet instant, John se dit que la vie n'était plus qu'une affaire de goût.Il fallait être fort, aller de l'avant. Seulement, de l'envie, il n'en restait pas une miette à John. Il n'était pus que l'ombre de lui-même. Tout ce qu'il restait de lui c'était une âme misérable et pourrie qui errait sans but. Il s'injectait son antidote avec une seringue comme il avait en avait déjà si joliment l'habitude avec ses autres « produits ».
Un an après, il tenta pour une fois d'en finir pour de bon en se passant la carde autour du cou. Ça faillit marcher mais le ventilateur auquel il s'était accroché ne supporta pas son poids et se décrocha, le laissant avec un gros trou en plein milieu du plafond. Ceci eut cependant le bénéfice de la ramener à la réalité de plein fouet. Il ne sut pas que que lui prit, mais une soudaine envie de s'excuser devant le monde entier s’immisça en lui.
Et la seule chose qu'il était à présent capable de faire était bien un seul et unique acte.
Vivre.