Il me fixait droit dans les yeux. Ça n'allait vraiment pas m'aider à lui donner une réponse, et encore moins à me concentrer. L'air de rien, il était assez pressant, et cela me mettait sous pression. En même temps, sa réaction était tout à fait normale. Il faut dire que j'abusais de sa patience, et ça j'en avait bien conscience. Je ne pouvais que m'en prendre à moi.
Il fallait lui répondre, mais quoi ? Le savais-je moi-même ? A cet instant précis, sûrement pas. J'étais plutôt perdu, à la fois endormi et conscient. J'étais dans un état second et je commençais même à me perdre dans le fil de mes propres pensées. Je baissais les yeux pour fuir son regard inquisiteur, mais aussi parce que j'avais honte. Je lui faisais perdre son temps et pour une fois, cela me gênait. Quoique, peut-être le fait de ne pas être capable de lui fournir une réponse directe m’embarrassait tout autant.


Je gagnais du temps. Il fallait bien. Qu'est-ce que je voulais...Comprendre ? Oui, il devait y avoir de ça. Et pourtant, je n'avais pas vraiment envie d'aborder la question. C'était ridicule. Cette réaction. Dieu que c'était bête. Et pourtant je n'arrivais pas à passer au dessus de tout cela. Ça m'avait troublé, et pas forcément dans le bon sens.


Je me massais le crâne. Du calme Sherlock, tu étais en train de t'emporter et de faire une nouvelle fois tout un cinéma pour pas grand chose.


Ok. Sherlock, ça, c'était clairement homophobe.
Je sursautais me rendant compte de la bêtise que je venais de débiter. Je n'étais pas bien brillant ce soir et je ne m'illustrais vraiment pas par la finesse de mes propos.


J'avais envie de rire. C'était nerveux mais, ciel, j'allais craquer. Et voilà que je rigolais à son visage. Rah mais quel petit abruti j'étais quand je m'y mettais.


Surpris ? C'était bien le mot ! Agréablement ou pas, maintenant, telle était la question. Mon rire redoubla. Je jure que c'était nerveux. Je devais fondre un plomb, très certainement.


Je reprenais mon souffle et essuyai une larme d’hilarité qui commençait à perler au coin de mon œil.


Je tortillais mes mains dans tous les sens. Etais-je stressé à ce point ? Pourtant ce n'était pas grand chose. Juste une réponse. Je n'attendais pas plus, non ? Non. Je n'attendais rien de plus que des mots. Rien que ça. Rien d'autre.


Oui, je faisais clairement référence à la libido, ou du moins la notion de désir dont j'avais été privé après mon accident. J'avais du mal à comprendre quand il fallait m'arrêter, ce qui pouvait être attirant pour les autres ou pas...Bon, bien entendu, je n'étais pas innocent. Un baiser était un baiser. Mais je n'arrivais plus à faire la part des choses, surtout par rapport aux autres.

Haha, mais c'est que ça le faisait rire tout ça. Nerveux? C'est ce qu'ils disent tous. John le foudroyait du regard en s'écartant alors que Sherlock continuait de déblatérer devant lui, de temps en temps interrompu par un rire. Hilare, il s'évertuait à expliquer, mais John ne l'écoutait déjà plus qu'à moitié.
Il s'était mit longer les murs de la pièce, pensif, essayant de garder son sang froid. La vraie réponse à ses questions était une qu'il ne lui donnerait pas même dans des millions d'années.

Finalement il regarda Sherlock à nouveau et dit, la voix pleine de rage réprimée:

« .... Tu veux que je te dise? Moi non plus. J'ai encore jamais touché a un homme de cette façon et ce que j'ai fait était... pas contrôlé... »

Ses narines étaient dilatées mais sa voix était calme, même si elle se soulevait petit à petit, en crescendo. Il luttait pour ne pas se mettre à crier. La fumette et l'alcool, c'était seulement à cause de ça. Rien de plus. Rien du tout.





Bon, après Sherlock pouvait bien parler, il n'avait pas lésiner quand il l'avait embrassé à son tour. John avouait qu'il s'était délecté dans le chaos de leur baiser, et peut-être qu'il avait tracé ces mots contre les lèvres de son ami pour qu'il ait prit l'initiative de mordre les siennes.

Oh.

En parlant de ça.



John fit de nouveau face à Sherlock et retroussa ses manches jusqu'au dessus du coude d'un geste brutal, lui montrant les multiple hématomes causés par les piqûres, les raisons entres autres pour cela étant généralement parce qu'il ratait une veine ou parce que la peau était devenue trop sensible à un certain endroit à force.

« Tu vois ça? Et encore, c'est que les piqûres. Mais ça fait partie de moi maintenant. Et ça va être comme ça jusqu'à ce que je crève! »

Cette fois, il avait crié. Et John ne savait pas si Sherlock comprenait, mais ça signifiait que pratiquement à chaque fois qu'il le touchait, il courait le risque de l'infecter. Certes, ça n'arrivait pas tous les jours d'entrer en contact avec le sang de quelqu’un d'autre mais connaissant son manque de bol légendaire, John se disait que ce serait une mince affaire.

John rabaissa ses manches et respira un grand coup toujours en fixant l'autre homme maintenant que la plus grande partie de sa frustration avait enfin été évacuée. Mais il savait que ça n'en resterait pas là. Son regard fini par fuir celui de Sherlock et John fixa le mur à sa droite, attendant la réaction de l'autre.

Je le regardais. Je l'écoutais. Je tentais de rester calmer, mais à chacun de ces mots, ma colère ne faisait qu'augmenter. J'étais vexé ? Oui, très certainement. Sa remarque ne m'avait pas plus, tout comme sa petite scène de martyre. Je bouillonnais de l'intérieur. Même si je savais que dans cette histoire j'étais le fautif, je ne pouvais faire cesser cette colère qui montait en moi. Je mordis ma lèvre, restant silencieux. Sans ça, j'aurais hurlé.
Je crois que j'étais aussi inquiet. Un mélange de peur et de haine. Oui, j'avais oublié. Peut-être mes souvenirs avaient-ils été anesthésiés par l'alcool, mais jusque là, j'avais complètement omis ce détail pourtant importe : il était infecté. Oui, ce virus qui avait changé la moitié de la planète -ou quelque chose du genre- en bouts de viandes vivants était en lui, dans ses veines. J'avais fait la bêtise de l'avoir mordu, par jeu. L'avais-je au moins fiat jusqu'au sang ? Si c'était le cas, j'étais fichu.
L'adrénaline montait, déversant dans mon esprit un flot de mauvaise pensée. Les mots les plus désagréables résonnaient dans ma tête. Ils étaient tous destinés à John, et je ne comptais pas les retenir longtemps. Juste assez pour qu'il puisse finir son petit monologue de pauvre victime.
Je serrais l'accoudoir de tissu tendu entre mes mains. J'étais comme prêt à bondir, m'en sachant pourtant incapable.


C'était bête ce que je faisais. Bête et méchant, mais à ce stade là, je ne voulais qu'une chose : rentrer dans son jeu pour mieux l'y prendre. Ne plus me gêner. Si on ne devait plus ce revoir après ça, tant pis. Ce n'était pas comme si j'étais seul, moi. Ce n'était pas comme si nous nous connaissions depuis longtemps. Que ça l'énerve ? Très sincèrement, je m'en foutais. Il en allait de même si ça lui faisait de la peine.


La colère me faisait croire que ma douleur était plus grande que la sienne. Après tout, malgré tout ce qu'il avait traversé, il pouvait courir, fuir, marcher. Et moi ? On m'avait abandonné, laisser en pature à des morts-vivant dans un putain de locale. Lui au moins il était libre d'aller où il voulait. Moi je ne pouvais même pas rentrer chez moi sans peine et sortir sans avoir peur de tomber. Pour lui c'était quoi ? Ouvrir et fermer une porte, rien de plus. Ce qui lui arrivait était horrible, mais prenait-il au moins en compte la douleur de ce qui l'entourait ? Se pensait-il le seul à souffrir ?


Je roulais jusqu'à la porte avant d'ouvrir celle-ci un peu plus grand.


Je n'avais plus envie qu'on me fasse la morale. J'en avais eu assez pour cette soirée. J'étais trop blessé dans ma fierté pour en entendre plus.
En plus de cela, j'avais risqué ma santé. Sérieusement ? J'avais vraiment une chance d’attraper ce...ce truc ? Si c'était le cas, j'avais encore moins envie d'avoir à supporter sa présence. Certes, j'avais été assez bête pour le relancer à la boîte de nuit, mais n'avait-il pas songé un instant à ce qui aurait pu se passer ? A ce que sa maladie pouvait faire ? Etait-il inconscient à ce point ? Et moi ? Qu'allais-je faire si je devenais à mon tour un homme en sursit ? Rien que cette pensée me terrifiée. Ça devait certainement ce voir sur mon visage. Ça me remuait les tripes. J'avais la nausée. Non, je ne voulais pas devenir comme ça. Comme lui.

John eut un certain sens de satisfaction en voyant Sherlock s'emporter, mais il ne le montrait pas. De toute façon son énervement remontait au fur et à mesure que Sherlock parlait. Ce ton insolent était déjà assez désagréable, mais ce fut la dernière qui fit déborder le vase. En faire un drame? John ferma les yeux et fit une tentative désespérée de tenir bon à son tempérament qu'il commençait à perdre à nouveau.

Il ne bougea pas d'un pouce quand Sherlock lui ouvrit la porte. Ses épaules s'était affaissées, il était perdu dans ses propres pensées personnelles. Sherlock n'avait pas eut tort dans tout ce qu'il avait dit, et John savait ce que ça faisait de perdre le contrôle de soi et juste tout laisser s'évacuer, de se sentir incapable d'exprimer ce qu'on ressentait sans dire des choses qu'on regrettera ensuite; ça vous faisait dire et faire des choses pas forcément aimables. C'était comme ça que Sherlock se sentait juste maintenant? Il baissa le regard sur lui et réalisa que ses épaules étaient tout aussi affaissées que les siennes. John soupira encore une fois.

« Je suis pas une victime. J'ai survécu. Et me compare pas à toi... On est différent. C'est pas non plus à toi de me dire comment je dois me conduire ou pas. »

Son ton devenait plus grave, plus basse. John traversa la pièce jusqu'à Sherlock en quelques pas seulement.

« Mais j'comprends ta... douleur. Même si je peux pas l'apaiser. En même temps j'ai jamais demandé de te mettre à ma place. T'as eut ta part de turbulences. Différentes mais ouais. Et je me comporte en salaud égoïste et mélodramatique, mais à juste titre. J'ai le droit, non? »

Il avait posé sa main sur l'épaule de son compagnon sans vraiment essayer de le regarder. Il n'avait pas envie de finir la soirée sur une querelle. Mais si ça devait quand même se terminer de cette façon, au moins il ne pourrait pas être blâmé de ne pas avoir essayer d'empêcher tout ça de déraper.
John se tenait près de la porte, prêt à partir si Sherlock insistait.

Je pris une grande inspiration. Tout avait été dit. J'attendais ça réponse. Et je dois admettre que celle-ci...Me surpris.
Il était étrangement calme. Je l'avais blessé à ce point ? Peut-être pas. En tout cas...Il n'avait pas tort. Pas TOTALEMENT tort du moins – oui, j'étais trop en colère pour lui céder cela et lui donner le beau rôle. Quoi, après tout, il avait beau être calme et s'être expliqué, il y avait toujours cette histoire de virus. Celle-là, elle me restait en travers de la gorge. En même temps, ma réaction était plus que normal. J'avais peur pour ma santé, pour ma survie, pour ma vie, je dirais même. C'était bête comme tout pouvait basculer, pour un truc aussi stupide, aussi futile qu'un baiser, qui visiblement ne voulait rien dire. Tout ça pour la fumette, pour pas grand chose. Oui, pour ça, je lui en voulais encore. Mais pour le reste...Moins, déjà. M'être vidé la tête – complètement, cette fois-ci- m'avait apaisé. Devant moi, il n'y avait plus cet homme que tout me disait de haïr il y a quelques minutes de cela. Non. Ce n'était plus qu'un Homme comme moi. Certes, une pointe de colère venait toujours influencer mon jugement quant à sa personne, néanmoins, je le voyais déjà un peu moins comme un monstre ou un faux martyr, mais comme quelqu'un qui...Comment dire ?... Comme quelqu'un qui ne se mettait pas en scène par rapport à ses malheurs.
Je soupirai. Une partie de moi-même voulait le voir foutre le camp, mais une autre voulait qu'il reste. Il posa alors sa main sur mon épaule.


Je passais ma main derrière ma tête, me frottant la nuque. C'est vrai. Il aurait pu s'en rappeler. Agir en conséquence. Certes, moi aussi j'aurais du être plus sérieux avec ça, mais c'était lui qui était malade, pas moi. C'était à lui de s'en rappeler et de se comporter sérieusement.


Allé, calme toi Sherlock, ça ne servait à rien de repartir là-dessus et de se reprendre la tête pour ça. De toute façon, je ne sais même pas si j'aurais eu la force de lui faire de nouveau la morale. Parler calmante était amplement suffisant. Maintenant que nous avions tout deux compris cela – et vidé nos sacs – nous pouvions aborder les sujets polémiques sans trop de violence. C'était mieux comme ça.


Je ris jaune. Je ne me voulais absolument pas moraliste. Le ton de ma voix n'était pas non plus agressif. Il était calme. J'expliquais simplement les choses, ma façon de pensée à l'instant même. J'étais terrifié, stressé. Presque perdu ? Non, peut-être pas jusqu'à ce point. J'étais lucide, plus que je ne l'avais été durant toute cette soirée et je crois bien que c'était le pire dans tout ça. Ce retour soudain à la réalité.Je comprenais enfin de le danger de ces agissements stupides...Stupides et pourtant pas si regrettable. Ah. La nausée reprenait. Il fallait que j'arrête d'y pensée.

John frissonna. Les mots de Sherlock n'étaient toujours pas des plus agréables à attendre mais c'était nettement mieux qu'il y avait quelques minutes. John hocha la tête lentement, son geste à peine perceptible.
Par taquinerie, John retira sa main de l'épaule de l'autre homme et tapota sa joue, avant de l'écarter complètement.

« Ouais. Mais bon, shit happens, hein? Puis t'as pas... autant de soucis à te faire. Enfin. Moins que tu le crois. Le virus se transmet par le sang. Donc normalement ça n'aurait pas du être un soucis sauf quand.. quand tu m'as ahem.. mordu. Je sais que j'aurais du t'arrêter.. Mais c'était juste... »

Il laissa sa phrase en suspend, ses mains faisant des cercles alors qu'ils tentaient de trouver les bons mots... Il baissa les bras et laissa tomber. Mais sérieusement, à quoi il avait pensé en faisant ça? Bon, au pire ils en restaient là et ils ne se reverraient plus.

Le truc pourtant c'était que, il aimerait bien revoir Sherlock, lui.

John eut le plus petit des sourires à cette pensée et secoua la tête à sa propre naïveté.

« Est-ce que tu le regrettes tant que ça...? »

John déglutit. Il se maudit aussitôt pour avoir posé une question aussi stupide.

Il sourit. Il. Sourit. Non, sérieusement...Il en était capable ? En tout cas c'était merveilleux. Enfin, je veux dire, c'était plutôt agréable à voir ! Et surprenant à la fois...Presque effrayant -je rigole biens sûr. Je lui adressai à mon tour un sourire, peut-être moins grand que le sien en revanche.
Sa question m'avait à la fois amusée et surprise. J'étais tout à fait désarçonner. En tout cas, lui ne semblait pas le regretter tant que ça. Je regardais ailleurs, comme si la réponse à cette question allait être écrite sur un mur. Non, mais sérieusement, à quoi est-ce que je m'attendais ? Je reposais mes yeux sur lui, un peu hésitant. Sherlock, n'oublie pas que tu es en colère.


Je laissais mas phrase en suspend. Je crois que j'avais honte de la finir ou certainement trop peur de dire une bêtise ou d'avoir de nouveau cette affreuse nausée. J'accompagnais néanmoins ces mots d'une petite tape sensée être « virile » - me sentant alors dépouillé de toute ma testostérone par cette simple construction verbale – mais aussi amicale.
Plus sérieusement, j'espérais vraiment que rien ne m'arrive. Malgré les mots rassurants de mon interlocuteur, une certaine pointe d'angoisse ne voulait pas se taire en moi.


Je tentais de faire de l'humour, mais en me rendant compte de ce que je venais de dire, le rouge me monta aux joues. Je m'enfonçais de plus en plus dans un abysse de stupidité et de gêne. Je lâchais un rire fort, nerveux et forcé avant d'abandonner complètement ce petit jeu dans lequel je m'étais empêtre et d'afficher une expression blasée. Je me fatiguais moi-même.

John avait rit intérieurement, amusé que Sherlock se trahissait par ses propres pensées. Voyant qu'il s'empêtrait dans sa propre gêne, John décida de ne pas le faire souffrir d'avantage en choisissant simplement de balayer son commentaire d'un « hmpf ».

John regarda en direction d'une petite horloge sur le mur. Minuit passé. Ce ne le surprenait pas, ils avaient commencé leur soirée tard. Il considéra un instant l'idée de devoir rentrer seul si tard. Ce ne l'enchanté guère. Il regarda Sherlock. Non, vraiment pas.

Bam. Cash. Made in John. Il avait accompagné sa question d'une petite inclinaison de tête, l'air tout à fait sérieux. Le trouble de Sherlock ne manqua pas de l'amuser à nouveau.

« Bah, ça va... Me fais pas cette tête... »

L'ambiance était calme, rien ne troublait leur silence à par leurs respirations profondes et lentes. Ils ne dormaient pas; somnolaient était le mot le plus juste. John ne savait pas ce qui avait poussé Sherlock à accepter mais il n'avait pas envie de demander, trop confortablement allongé dans les draps pour poser des questions. Ça attendrait le matin.

« .... I must have brought the bad weather with me... The sky's the colour of lead... »

John soufflait chaque syllabes lentement, faisant les mots durer trois fois plus longtemps qu'à la normale. Il fredonnait un petit air languissant et morose.



Son bras commodément replié autour de la tête de Sherlock, ses doigts effleurèrent les cheveux de son compagnon pour les dégager de son visage.
Alors qu'ils continuait son petit air, il gardait la voix basse et allait du suave au à peine audible, la voix un peu éraillée, naturellement.



Il bailla, essayant de chasser la fatigue encore juste quelques instants seulement...

J'avais l'impression d'agir comme un ados. J'étais là, en train de m'endormir à moitié aux côtés d'un homme que je connaissais à peine. C'était une situation à la fois terriblement gênante mais aussi tout à fait agréable. J'avais l'impression de faire quelque chose de mal, mais cela m'apaisait. J'écoutais tranquillement, appuyé sur le bras de John, cette chanson qu'il murmurait. J'entendais l'emprunte de la cigarette sur sa voix cassée, une voix plutôt belle d'ailleurs, torturée, comme lui. Son accent américain rendait la chanson plus fluide, comme un souffle qui s’échappait doucement de ses lèvres, un peu comme de la fumée. Les paroles semblaient terriblement bien résumer sa situation. Je gardait mes yeux entrouvert afin d'admirer le spectacle de sa bouche s'articulant , de sa langue que j'entre-voyait parfois, dansant contre son palais. Ça avait quelque chose d'assez sensuel mais aussi de reposant.

La chanson pris alors fin. Mes yeux s'ouvrir un peu plus grand, comme si le sommeil avait été chassé de mes paupières quand le silence était revenu. Je remuai légèrement la tête en signe de protestation. Je ne voulais pas qu'un silence pesant tombe. Je voulais juste entendre cette voix qui m'évitait de penser à autre chose, qui détournait de façon tout à fait délicieuse mon attention.


je lâchais un petit grognement. Je me redressais légèrement, regardant mon...ami – je n'osais penser à un autre surnom pour le moment – de haut. Un coin de mes lèvres se redressant, creusant une fossette dans ma joue. Il était presque amusant de le voir si calme. J'en oubliais presque ma frustration auditive.
Il ressemblait à une bête sauvage, odieuse et violente, qui trouvait enfin le repos. Un être vif et vicieux qui devenait soudainement pataud, accablé par la fatigue. Je me recouchais à ses côtés, approchant mon corps un peu plus près du sien cette fois-ci. Je laisser glisser mes doigts sur ses lèvres puis sur son menton, entre-ouvrant sa bouche, priant pour qu'une nouvelle mélodie en sorte.


je laissai ma main retomber sur le matelas avant d'enfouir ma tête dans son cou, fuyant tout contact visuel qui dépasserait plus d'une minute.
Le regarder comme ça, c'était comme m'avouait une odieuse vérité. Pour l'instant, je préférais faire taire cette voix interne qui me parlait de chose que je ne voulais entendre. Je voulais que la chanson de John les fasse taire.
Seul mon front touchait sa peau. Un contact étrange. Je n'osais approcher le reste de mon corps, craignant un contact trop...Trop quoi ? Trop intime ? Je ne pouvais mettre de mot là-dessus, et me refusais de découvrir un vocabulaire adéquat.
Je râlais de nouveau, l'intimant à reprendre le fil des paroles.

« Encore...? »

Un petit rire ébranla John doucement quand Sherlock vint coincé son visage dans son cou, son souffle lui chatouillant légèrement la peau. Si Sherlock voulait encore l'entendre chanter, John serait sûrement le dernier à l'en empêcher. John posa son menton sur la tête de l'autre homme et prit son temps pour choisir une autre chanson.

« ... put a dead cat on the railroad tracks... when the wolf bains blooming by the tressel... and get the eyeball of a rooster and the stones from a ditch... »

Du Tom Waits encore. John n'étais pas un spécialiste de ce chanteur, cet artiste, mais il lui arrivait d'écouter quelques morceaux le soir. Les gens désapprouvaient en général ceux qui buvaient seul car s'était un signe d'alcoolisme, comme si la personne était tombée bien bas; mais lorsque cela arrivait à John, des soirées de buvette en solitaire, il n'était jamais seul, non: il avait ses disques et en l’occurrence Tom Waits qui lui tenait compagnie. Où était alors le problème?

« 'Poison all the water in the wishin' well an' hang all 'em scarecrows from a sycamore tree... burn down all those honeymoons, put 'em in a pillow case... »

Les doigts fins et calleux s'amusaient avec les cheveux de Sherlock encore un peu, le décoiffant que légèrement. Puis, John ne sut pas ce qui lui prit, mais ça devait lui sembler être une bonne idée car il le fit; il se pencha légèrement afin de poser ses lèvres sur le front de son.. son.. son quoi? ami? John ne trouvait pas d'autre mot qui qualifieraient mieux Sherlock. Il posa donc ses lèvres sur son front dune façon insupportablement douce et il continue de fredonner d'une voix basse et rauque.


Dans un élan de taquinerie, John repoussa Sherlock afin d'avoir un meilleur angle de manœuvre. Il posa de multiples baisers sur son visage et dans le creux de son cou.

« If. You. Want. Me. To. Tell. You. Why.. »

Chaque mot était murmuré contre sa peau comme pour les y imprimer, John trouvant cette petite espièglerie très divertissante. Finalement il s'arrêta et croisa le regard de Sherlock, juste histoire de voir s'il y trouverait un signe quelconque d'approbation.

Je ris un instant. Les paroles étaient...Charmantes ? Non clairemente, je ne m'attendais pas à entendre de tels mots, mais cela restait tout de même agréable à écouter. Plus que les paroles, c'était sa voix qui comptait, après tout. Je souris de nouveau et fermé les yeux pour seulement me concentrer sur le son qui parvenait jusqu'à mes oreilles. J'aurais pu le remercier, mais cela aurait brisé cet instant fragile, couper cette mélopée, et cela aurait été un affront.

Je sentis alors ses lèvres se poser sur mon front. Mon sourire grandit un peu plus. Je ne désirais néanmoins aps rpéondre à cela, préférant ignorer ce baiser et rester bien installé comme je l'étais. Pour rien au monde je n'aurais quitté mon lit.
Mais alors que je savourai avec plaisir cet instant -mais aussi la chaleur des couverture – quelque chose vint me pousser de ce petit paradis. J'ouvris immédiatement les yeux pour découvrir John, son visage près du mien. Je fus surpris, trop pour réagir. En même temps, je n'aurais pus faire quoique ce soit, paralysé par ses baisers. Ses lèvres se posaient doucement sur mon visage, murmurant au passage des mots que j'avais bien du mal à entendre – manque de concentration, je suppose. Sa tête vint alors se nicher dans mon cou. Je frissonnais avant de sursotter.


Je ris avant de le pousser gentiment. J'étais chatouilleux et cet endroit était particulièrement sensible. Je n'avais pas envie de lui mettre un coup par inadvertance ou de...mal...réagir.
Je m'allongeais de nouveau contre le matelas avant de tendre ma main vers son visage et de délicatement passer ma main dans ses cheveux, prenant entre mes doigts quelques mèches brunes. Ma main glissa alors doucement pour venir caresser sa joue. Mes yeux se posèrent un instant sur son visage, le détaillant plus précisément.


Mes doigts effleurèrent rapidement ses lèvres avant de retomber sur les draps. Non, il ne fallait pas que cela recommence.


Je voulais détourner son attention par quelques blagues, repousser ses lèvres qui pourtant étaient loin de me blesser. Quel paradoxe, quelle torture je m'infligeais. Peut-être que j'aimais jouer avec ce sentiment de frustration ? Mon dieu. Je déraillais.

John laissa Sherlock le toucher avec une mine impassible, comme si tout cela ne lui faisait ni chaud ni froid. A son « compliment » , John retint un sourire au début, puis le laissa dépasser le coin de sa bouche. Il ne chantait pas vraiment, il ne faisait que murmurer les paroles avec une pointe de mélodie. Peut-être que sa voix collait juste bien aux paroles, tout au plus. Il hocha la tête pour le remercier.

« C'est pas très difficile. »

Cette fois il vint frotter son visage contre celui de Sherlock ignorant à nouveau tout le concept de « personal space » (qui en avait besoin de toute façon là maintenant?) et sentit sa barbe mal rasée gratter légèrement contre la peau bien nette de Sherlock. C'était agréable. Un peu à la manière d'un chat, ou plutôt d'un gros félin, il se blottit silencieusement contre lui un instant. Il s'écarta ensuite et s'appuya contre son coude, les yeux baissés vers lui. Puis, sans vraiment savoir ce qu'il faisait, il pencha la tête et s'avança d'à peine quelques centimètres, ses yeux collés aux lèvres de Sherlock comme si c'était là que les siennes voulaient être. Un long moment de silence suivi avec juste les bruits de l'extérieur faisant écho dans la chambre.

John se ressaisit et détourna la tête, se remettant un peu plus droit.




Le fait que Sherlock était constamment tendu dès qu'il l’effleurais ne lui avait pas échappé et il voulait en avoir le cœur nette.

Il vint frotter son visage contre le mien. Sa barbe piquait. Je ris alors comme un enfant amusé par les frasque de son père. Je passais ma main derrière sa tête, jouant avec quelques mèche de ses cheveux. Je les faisais rouler entre mes doigts, les décoiffai, les agrippai l'espace d'une seconde puis les relâchai. Mais cet élan affectif prit bientôt fin. John se redressa tandis que je restais la tête bien calé sur mon coussin, presque enfoncée dans l'édredon.

Je restais muet quand le visage de John surplombais le mien. Ses yeux regardaient autre chose que les miens. J'avais bien une petite idée de ce qui devait attirer son regard, mais je préférai faire taire mon esprit et me perdre dans la contemplation de son visage, de ses yeux. Des cernes les soulignaient, créant un contraste avec le bleu de ses iris, elles-même perdu dans un océan de veines rougeâtres. La cigarette, sûrement. Ses pupilles, deux orbes noires, glissaient doucement sur la surface azurées, se dilatant. Je n'arrivais pas à déchiffrer grand chose dans ce regard. Peut-être étais-je trop fatigue pour donner une interprétation quelconque ou n'en avais-je tout simplement pas envie. En revanche, une chose était sûr : je n'y discernais plus aucune tristesse. Cela me fit presque sourire. Au moins, j'étais à présent sûr que nous étions tout deux sereins.



Je perdis mon sourire. J'aurais du m'y attendre, il fallait bien que l'on ramène ça sur le plancher tôt ou tard, mais pourquoi maintenant ? Remarque, pour une fois que je n'était pas l'inquisiteur de ce genre de question...Mais vraiment, le sujet était assez sensible et je n'avais pas envie de gâcher l’ambiance en y répondant. Et dire que nous commencions vraiment à revenir au calme et à la tranquillité. Je soupirai et détournai mon regard sur le plafond. Il fallait néanmoins que je sois franc. Si je lui mentais, il le ferais tout de suite en plus cela ne nous desservirais pas vraiment. Comment donc pouvais-je tourner cela de façon à ce que ce ne soit pas trop...violent ?
Je me redressais à mon tour, me préparant à dire une vérité qui pouvais faire mal.


Je tentais de lui sourire pour...le rassurer ? Je ne sais pas trop, mais ça se voulait gentil, plus que mes mots en tout cas. Néanmoins, je ne parvenait pas à lui offrir un rictus vraiment convaincant.


Je m’appuyai sur les bras pour à mon tour me redresser, non sans complications. Je parvins finalement à m’asseoir sur le matelas, faisant face à mon interlocuteur.


Je me laissais bêtement retomber dans les draps. Pourquoi est-ce qu'on avait abordé ce sujet ? C'était bête. Enfin non, pas tellement, c'était important mais...RAAH. Pourquoi à ce moment là ? Alors qu'on était bien ? Je passais ma main sur mon visage avant de la laisser posé contre mon ventre. De l'autre, je tapais la place à côté de moi.

John pivota légèrement vers Sherlock quand celui-ci se redressa complètement - il avait tendu la main pour l'aider mais Sherlock avait réussi sans lui - et l'écouta, le regard dans le vague. Au fond John ne savait pas s'il le gérait si bien que ça. Parfois il avait l'impression que ce virus, que cette chose, bougeait en lui, avait contaminé ses veines jusqu'à la dernière, qu'elle rampait dans chaque centimètre de sa peau - comme si c'était vivant, un truc qui se déchaînait dès qu'il avait du retard sur sa piqûre.
Et encore, parfois John avait le besoin d'en reprendre, ne tenant pas plus de 7 heures sans une autre injection. John était un junkie et il avait toujours imaginé que sa vie finirais sûrement avec une aiguille dans son bras mais ça, c'était différent; ça lui faisait peur.


John fixait le matelas et rassemblait ses pensées pour affirmer que oui, il le gérait bien, mais les mots restèrent au fond de sa gorge, incapable de sortir. Au lieu de ça alors John vint se poser à nouveau à l'endroit où Sherlock l'invitait, à côté de lui. Il enroula un bras autour de lui et pose sa main sur sa gorge pour la caresser du pouce, doucement. Il sentit le battement du pouls sous ses doigts, ou la vibration de sa respiration.
John murmura dans son oreille, le souffle doux et le ton languissant:

« ... we'll celebrate the 4 of july, we'll do 100 mph... spendin' someone elses dough... and we'll drive all the way to reno, on the wrong side of the road... »

Parce que la chanson méritait quand même d'être finie. John nicha sa son visage sur l'épaule de Sherlock et ferma les yeux pour faire le vide dans sa tête. Il ne regrettait pas une seule minute de cette soirée, il avait aimé malgré tout chaque seconde. John se dit qu'il voudrait bien rester le plus longtemps possible même si c'était égoïste. Il sourit intérieurement et soupira au creux de son cou, attendant que le sommeil l'emporte.

Le réveil fut plus compliqué que prévu. Je mis un moment à me tirer de cette torpeur qui paralysait mon corps tout entier et maintenait mes paupières clauses. J'avais l'impression que mon corps était plus lourd que d’habitude. La fatigue, sûrement. Je mis un bon moment avant d'ouvrir les yeux, pensant vainement que Morphée allait me reprendre dans ses bras, et bien plus de temps à m'habituer à la lumière du jour. Bien que les rideaux furent fermés, quelques rayons solaires avaient réussi à braver les nombreux obstacles tels que les volets et autres fioritures tout à fait inutiles sensées protéger mon appartement de toute intrusion lumineuse. Fuck it.

Je baillai puis m'étirai, prenant toute la largeur du lit pour mes petits exercices matinaux. Ce ne fut que quand mon bras rencontra le matelas, et par conséquent une place vide à mes côtés, que je compris que mon invité m'avait fait faux-bon. Le rat. Je soufflai, un peu trop exténué et harcelé par la douleur de mes courbatures pour être vraiment dérangé par son subite départ. Je me redressai donc pour aller me faire une tasse de thé...Avant de violemment m'écraser sur le sol.

Oui. Parfois j’oubliais que je ne pouvait plus me déplacer que sur des roulettes.

Je restais un moment bête, la joue collée sur le planché, trop blasé par ma propre bêtise pour faire quoique ce soit. De toute façon, je me sentais trop mentalement et physiquement proche de la loque pour vouloir tout de suite ramper où que ce soit. Je restais donc couché sur le sol, contemplant la poussière sous mon lit. Cet amas de saleté allait alors devenir l'allégorie de ma vie.
Mon regard se perdait sur les moutons statiques de ma courte existence, sur ce demi morceau de chips représentant une jeunesse à moitié savourée et...Bon, ça devenait pitoyable.
Je posai mes mains bien à plat sur le sol avant de redresser le haut de mon corps. J'aurais pu faire mon entraînement sportif du week-end, mais non. Je m'étais tout simplement surélevé du parquer pour chercher du regard mon siège. Une fois l'objet en vue, je glissai vers celui-ci avec aisance, habitué à côtoyer de près le milieu terrestre, et me hissai sur le drôle d'engin.


Hier avait été une sacré soirée. A la fois de façon positive et négative. Premièrement : j'avais enfin pu aller boire un verre entre "mecs", ce qui ne m'était pas arrivé depuis bien longtemps. Deuxièmement : ça m'avait permis de me détendre. Du moins en début de soirée. En revanche, j'avais bu une bière immonde, m'était fait insulté par des texan consanguins et avait complètement perdu les pédales en deuxième partie de soirée et questionnée mon entière sexualité, et ce en quelques heures. Enfin, non. Mais, oui. Bref. Je préférai laisser la question en suspens ou plutôt ne pas m'en poser plus que ça. Mieux ne valait pas retourner dans ces sentiers battus pour l'instant, et surtout pas un dimanche matin.

« Quel bordel. »

Je laissai ma tête basculer en arrière, me plongeant dans la contemplation du plafond décrépit.
La semaine risquait d'être longue et bien ennuyante après tout cela.